La quiétude nocturne des raffineries du port de Rotterdam laisse présager le pire car quelque chose au loin fume. Le calme n'est qu'apparent, l'harmonie de ces architectures de lumière n'est que façade. Quelque chose va se produire.
Les territoires photographiés par Nicolas Descottes sont empreints d'une ambivalence temporelle au coeur de laquelle se joue un flottement. Entièrement déshumanisés, ils sont, à Maasvlakte (2005) dans l'à-présent du moment, le terrain de déchaînements de violences naturelles, voire artificielles, impétueuses et atmosphériques : quelque chose se produit. Ils deviennent aussi à Revinge (2007) les traces de restes d'un passage fulgurant, brutal : quelque chose s'est produit.
Entre préhistoire et anticipation, les carcasses de voitures sont comme autant de fossiles oubliés, les citernes fumantes des créatures fantasques et préhistoriques ressuscitées d'un temps autre ou à venir. Et pourtant, nous regardons l'après du drame, nous sommes les spectateurs d'événements sans origines, sans espace ni temps définis. Le flottement est une mise en attente, le résultat d'une ambiguïté formelle et scénaristique. Mise en demeure aussi, la notion de réalité, dans sa
retranscription et dans ce qu'elle est, demande à être renégociée.