Pour Franck Eon, la peinture reste encore un objet imprévisible et délirant qu'il convoque et provoque dans ses syncopes, sa mythologie, ses silences ou son bavardage. Dans son film d'animation X-Woman, il transplante le « Professeur de sociologie » de John Currin dans un remake d'une séquence basique de la science fiction transformée ici en une invasion de motifs abstraits volants, propose comme théâtre d'une explosion une vue du Futuroscope associée à un paquebot de Malcolm Morley, présente une série de tableaux abstraits (les images en 3D simplement retournées de la galerie) sur un papier peint dont le motif représente l'artiste, quatre fois, installé dans les sièges de peinture (des châssis ajustés) d'une installation d'Art and Language. La figuration ou l'abstraction. L'image ou le langage ? La programmation ou la composition ? La création ou la copie ? Le stable ou le mouvant ?
Franck Eon sait bien combien il est difficile de s'en tenir à l'acceptation appliquée, lucide d'une chose par opposition à une autre. Sa préoccupation n'est donc pas de se maintenir dans une ligne droite sans jamais en dévier. D'où chez lui, cette tendance au vagabondage dans les expériences les plus diverses pour à chaque fois s'en dégager et aller au-delà. Franck Eon se confronte à la peinture en fin négociateur. Mais il n'est pas question de gérer le désaccord pour organiser l'accord. Pour lui, la négociation ne procède pas d'un marchandage où la mise en place réfléchie de règles est le meilleur antidote à l'exercice débridé, sauvage de ce marchandage. Négocier s'entend ici dans un sens proche de celui de négocier un virage c'est-à-dire d'adapter la capacité d'une voiture, sa vitesse et la difficulté particulière d'un segment de route. Franck Eon régule des forces opposées ou, plus précisément, il en fait à la fois un tout et le contraire d'un tout sans laisser échapper aucune impression de confusion ou de faiblesse, et situe ainsi la peinture dans un lieu étrange qui n'est ni positif ni négatif mais en même temps l'un et l'autre.
Dans cette idée du multiple et du multiforme, du mélange des registres, il a sollicité, pour cette exposition, l'intervention de Rolf Julius. Cet artiste a répondu par des dessins sensibles, subtils et des agencements de haut-parleurs, de matériaux d'une grande diversité et des sons enregistrés ou fabriqués, qui s'inscrivent discrètement dans l'espace, à la limite du visible et de l'audible, et participent ainsi à ce processus de décentrement et de léger vertige.
Didier Arnaudet