À l'automne 2020, les galeries Le Minotaure et Alain Le Gaillard, s'associent avec la galerie Thomas Bernard Cortex Athletico pour présenter une exposition en trois volets confrontant deux artistes : Boris Aronson, une figure phare de l'avant-garde juive des années 1920, l'un des décorateurs de théâtre les plus en vue de Broadway, récompensé de huit Tony Awards, et l'artiste français contemporain, Rainier Lericolais, auteur d'oeuvres visuelles, sonores et spatiales.
Boris Aronson (1878-1973), fils du grand rabbin de Kiev, après le passage obligatoire par le heder, fréquente dans les années 1917-18, l'atelier de l'artiste d'avant-garde Alexandra Exter connue pour ses scénographies théâtrales révolutionnaires et ses costumes complètement futuristes du premier film de science-fiction Aelita (1924). Encore avant la Première Guerre mondiale, il devient l'une des figures majeures de la Kultur-Lige, mouvement d'émancipation des juifs par l'avant-garde se réalisant par une activité éditoriale et théâtrale. Après des séjours à Berlin et à Paris, Aronson s'installe en 1923 à New York où il est immédiatement embauché par Unzer Theater (Notre Théâtre) dans le Bronx, une petite institution à la pointe de l'avant-garde dans le domaine de représentation. Sa première réalisation est une peinture murale décorant l'enceinte du théâtre constituant l?hommage à Marc Chagall, mais aussi sa propre vision de l?histoire du théâtre yiddish. Il est aussitôt remarqué par Maurice Schwartz, régisseur du Second Avenue Theatre, le théâtre le plus connu et le plus grand-public de New York à l'époque. Aronson y travaillera jusqu'en 1931, avant d?être embauché par Broadway où il fera une carrière brillante, réalisant des décors, costumes et éclairage pour trente-quatre pièces et trois musicaux gagnant à plusieurs reprises les ultimes récompenses théâtrales américaines.
Quant à lui, Rainier Lericolais, comme beaucoup d'artistes ayant commencé leur carrière à la fin du XXème siècle, est marqué par les avant-gardes et la modernité. Son éducation personnelle est marquée par les découvertes qu'il fait lors de l'exposition L?art conceptuel, une perspective (l'ARC, 1989), en tombant sur la pochette du disque Panorama de Laibach (dont l'esthétique emprunte à Kasimir Malevitch et John Heartoeld), ou encore sur un exemplaire Fragments d'un discours amoureux de Roland Barthes acheté chez un bouquiniste pour l?énigmatique détail d?une peinture de Verrocchio imprimé sur sa couverture. « Fasciné par un temps qu'il n'a pas vécu », comme le résume Thibaut de Ruyter, l'auteur du texte du catalogue, il est amateur de livres anciens, collectionneur avide de découvertes, toujours à la recherche de matériau pour ses futures créations. Il peut simplement s'agir de papiers découpés dans des magazines de mode qu'il utilisera dans ses collages, mais aussi de sources précises, d'anecdotes historiques, qui se retrouvent subtilement dans ses oeuvres.
L'exposition proposée par les trois galeries parisiennes n'est pas un hommage que Lericolais rendrait à Boris Aronson, mais un dialogue imaginaire entre ces deux artistes, focalisé sur trois domaines qui leur sont proches à tous les deux. Il s'agit là, d' « une invitation à regarder les oeuvres d'Aronson comme si elles étaient produites aujourd'hui, observer celles de Lericolais comme si elles dataient de presque 100 ans. Et si vous décidez de pousser le jeu encore un peu plus loin, vous pouvez aussi imaginer que Lericolais est l'auteur de certains dessins d'Aronson (et inversement). Cela ne plaira sans doute pas aux historiens de l'art tatillons mais permettra aux amateurs de regarder à nouveau, autrement, ce qu'ils pensent connaître parfaitement. »
À l'image d'une pièce de théâtre, ou d'une sonate, la musique étant un univers proche à Lericolais, l'exposition se déroule en trois actes ou plutôt en trois mouvements : chez Thomas Bernard seront regroupés les structures de Lericolais (oeuvres en volume, assemblages et collages) et les projets de décors de théâtre d'Aronson ; chez Alain Le Gaillard : les études pour des costumes de l'un et les dessins représentant des personnages étrangement déconstruits et fragmentés de l'autre. Finalement, à galerie Le Minotaure refera surface l'une des figures emblématiques de la mythologie juive, le Dibbouk dont la légende inspira et habita l'oeuvre et l'esprit des deux artistes.
L'exposition regroupera presque une centaine d'oeuvres (toiles, oeuvres sur papier, sculptures, techniques mixtes) et sera accompagnée d'un catalogue bilingue.