Michael Brynntrup, Films

Les danses macabres étaient à l'origine des performances improvisées sur les scènes des cimetières ou des églises. Au XIV siècle, elles connurent une gloire sans précèdent car « les trois cavaliers de l'Apocalypse » (guerre, famine et peste) décimaient les populations et firent d'elle un spectacle familier. Disposée en sarabande, la performance prenait la forme d'échanges verbaux entre les personnages rangés par ordre hiérarchique : du pape à l'empereur, du cardinal au roi, du paysan à l'enfant. Chacun dansait à son tour avec la mort, actrice silencieuse et arbitre suprême. Disposé de la sorte, le spectacle fut la première tentative de montrer une image en mouvement, du fait de son principe de défilement.

Tabu V (1998) journal filmé sous-titre "wonon man nicht sprechen kann" (ce dont on ne peut pas parler) cite directement le Tractatus Logico-philosophicas de Wittgenstein pour qui ce dont on ne peut pas parler "il faut le passer sous silence". Le film rassemble autour de la représentation graphique d'une pulsation cardiaque des fragments de l'année 1997. Des pages noircies d'écritures, des images, des collages se succèdent à la seconde sur le ruban filmique. Il y a aussi la liste des amants rencontrés, l'adaptation que Brynntrup réalisa en 1994 de l'histoire de Caïn et Abel, autoportrait du cinéaste en indisciplinée China girl. Le Silent, dans lequel Act Up voyait la mort, y est reconsidéré a l'aune de la morale wittgensteinienne. Cette année-là, Brynntrup est malade et la cause du mal n'est pas très explicite : s'agit-il d'un problème viral ou d'ordre chirurgical ? Le commandement "tu ne dois pas tuer" y est une référence directe au premier meurtre biblique, Caïn assassinant Abel, mais c'est aussi, versus maladie, le meurtre par contamination de l?amant, du frère ou du jumeau : d'un alter ego. La superposition des voix, des textures, des registres visuels et lexicaux enferment le tabou dans une cacophonie inaudible, l'étouffe. Un tabou reste un tabou note Brynntrup, le journal est un miroir devant lequel tout ne se dit pas.

Et la mort dans tout ça ? Elle est une muse et une compagne, elle habite ses images comme la lune habite le soleil : irrésistiblement attiré, il danse avec elle et le film est ici le moyen d'additionner, face contre face, le mouvement et l'obscurité, le fantomatique et la lumière, le temps qui conserve et l'éternité qui déploie.

Michael Brynntrup est un cinéaste allemand né en 1959. Il vit et travaille à Berlin.

 

M.C

http://chinese-girl-film.blogspot.com


Programme des films :

 

Musterhaf ? das Ende, ein Intermezzo

1985, 8', col., sound, Super 8 on dvd

Die Statik der Eselsbrucken

1990, 21', n&b, sound, 16mm on dvd

Die Botschaft ? Totentanz 8

1989, 10', col., sound, 16 mm on dvd

Tabu V (wovon  man nicht sprechen kann)

1998, 13', n&b and col., sound, 16mm on dvd

 

ChinaGirl remercie Michael Brynntrup, Maren Holbein et Cortex Athletico