Franck Eon, oeuvres choisies.
« L'une des principales caractéristiques de la modernité - souvent, sinon toujours, c'est la liquidation du passé. En tout cas, une mise en relation critique de l'art avec son propre passé. L'Olympia de Manet, c'est la reprise et la liquidation de la Vénus d'Urbino et Titien : la Déesse est remplacée par une prostituée avec un corps aux couleurs blafardes et cadavériques de la ville, attendant un client qui lui a envoyé des fleurs.[1] »
La liquidation du passé par la modernité s'est faite dans la reprise et cela en fut même sa condition. L'histoire de l'art, de père en fils est toujours motivée du même souci : l'anéantissement du passé par sa reprise, souci qui se justifie aussi par la nécessité de trouver soi-même une place dans une histoire déjà établie. La post-modernité n'a rien inventé. Mais au lieu de liquidation c'est le terme d'appropriation qui fut privilégié - avec les enjeux de re-signification qu'il peut induire. Attitude proliférante et protéiforme qualifiée par Nicolas Bourriaud de post-production, les artistes ont en commun de recourir à des formes déjà produites qu'ils programment. Il ne s'agit pas de produire des images d'images mais de s'emparer de l'ensemble des codes de la culture puis, de les faire fonctionner.
« Depuis le début des années quatre-vingt-dix, un nombre sans cesse croissant d'artistes interprète, reproduit, ré-expose ou utilise des oeuvres réalisées par d'autres, ou des produits culturels disponibles. Cet art de la postproduction correspond à la multiplication de l'offre culturelle, mais aussi, plus indirectement, à l'annexion par le monde de l'art de formes jusque-là ignorées ou méprisées. De ces artistes qui insèrent leur propre travail dans celui des autres, on peut dire qu'ils contribuent à abolir la distinction traditionnelle entre production et consommation, création et copie, ready-made et oeuvre originale. La matière qu'ils manipulent n'est plus première. Il ne s'agit plus pour eux d'élaborer une forme à partir d'un matériau brut, mais de travailler avec des objets d'ores et déjà en circulation sur le marché culturel, c'est-à-dire informés par d'autres. Les notions d'originalité (être à l'origine de...), et même de création (faire à partir de rien) s'estompent ainsi lentement dans ce nouveau paysage culturel marqué par les figures jumelles du DJ et du programmateur, qui ont tous deux pour tâche de sélectionner des objets culturels et de les insérer dans des contextes définis.